On explique souvent que la photo est beaucoup moins une affaire de matériel qu’une affaire d’œil et de composition. C’est vrai… Mais la composition n’est pas seulement instinctive, la composition est aussi forcément une question de « placement » du photographe par rapport à son sujet. Une question de distance entre sujet et photographe et bien entendu une question « d’angle de champs »… Donc, au delà d’une simple question d’œil et de créativité, la composition est aussi une question de « choix de focale ». Donc finalement, c’est un peu aussi : une question de choix de matériel…
S’imaginer que « réussir des photos » ne nécessiterait que de la motivation et du talent, ce serait aussi simpliste que de croire qu’il suffirait d’acheter du matériel pour devenir bon photographe ! Non, c’est un peu plus compliqué que ça : la photo est « un tout » qui nécessite de la créativité mais aussi du matériel… Comme la peinture était aussi une question de maitrise technique, de pinceaux et d’outils et pas uniquement une question de talent.
Je vais donc vous parler ici du choix des focales, donc du choix des objectifs… Cela ne vous fera peut-être pas « rêver » car il ne s’agit que de la « petite cuisine » que doivent pourtant maitriser tous les photographes… Une maitrise technique préalable des « outils de base », qui me semble nécessaire en vue d’exprimer ensuite une « vision artistique ».
Est-ce que les objectifs coutent cher ? Oui parfois, mais pas toujours. J’ai essayé de pointer des objectifs très peu coûteux et spécialement recommandables… Les bons objectifs sont des investissements assez pérennes qui perdent moins de valeur avec le temps que les boitiers : ceux-ci se démodent plus vite en effet…Les bons objectifs classiques se revendent facilement, il ne faut pas avoir peur d’acheter vos objectifs d’occasion… Car ces classiques (notamment les focales fixes) sont très solides. Si vous saviez ce à quoi les miens ont déjà résisté : vous seriez rassurés… J’ai illustré mes explications, avec quelques photos que j’ai prises ces dernières années à l’aide de mes focales favorites… Parmi lesquels, le 35 mm bien entendu, mais aussi les indémodable 50 mm et 85 mm…
Quelques focales indispensables pour commencer…
Pour expérimenter d’autres focales : des objectifs fixes. Pas seulement des zooms
J’ai toujours conseillé à mes élèves de dépenser davantage d’argent, dans leurs objectifs pour essayer de nouvelles focales, que dans leurs boitiers… Par exemple s’offrir un 70-200 mm, voilà un bien meilleur investissement à envisager, plutôt que de dépenser la même somme dans un nouvel appareil (sauf éventuellement, si votre appareil a plus de 10 ans d’âge).
Achetez par exemple un excellent EF 35 mm f/2 stabilisé qui coute dans les 500 € neuf chez Canon (n’hésitez pas à le chercher en occasion). Ou son « descendant » pour hybrides EOS Full Frame : le RF 35 mm f/1.8 Macro IS USM (pour l’EOS R)… Montez-le sur votre appareil et vous constaterez qu’il en sortira de bien meilleures photos grâce à son « bokeh » notamment, que si vous aviez acheté un nouvel appareil équipé d’un zoom d’entrée de gamme à l’ouverture médiocre (f/3.5-5.6).
Un juste milieu pour débuter : le 35 mm n’est ni trop large, ni trop serré
Si vous ne deviez choisir qu’une seule focale pour partir en voyage sac à dos : ce serait probablement un 35. Monté sur un appareil Full Frame, le Canon EF 35 mm f/2 IS ou le RF 35 mm f/1.4 Macro IS STM (500 à 550 € environ) sont les focales que je choisi lorsque je ne veux pas me charger d’un zoom… Ils sont raisonnablement compacts, c’est pour cela que je les préfère à un éventuel Sigma 35 mm f/1.4 Art qui est fantastique en studio… Mais un peu trop lourd et trop cher pour le voyage.
La focale de 35 mm n’était pourtant pas ma préférée il y a quelques années. Je la trouvais même ennuyeuse… Mais avec l’expérience et beaucoup de voyages, j’ai changé d’avis petit à petit… Si l’on ne veut qu’un seul objectif : alors c’est la seule solution polyvalente. Cette focale de 35 mm est la « focale du milieu », on peut prendre toutes sortes de photos avec : des paysages, des photos d’action et même des portraits… A condition de ne pas les prendre de trop près, ce qui impliquera peut-être un léger recadrage en post traitement. Ajoutez une grande ouverture (de f/2 ou f/1.8) et vous obtenez un objectif plein de caractère. Notez que cette ouverture généreuse fera merveille, surtout lorsque vous vous placerez à courte distance de votre sujet…
Full Frame : le 28 mm une alternative possibles au 35 mm
Dans le cadre d’un voyage « léger » : si j’ai la possibilité d’emporter une seconde focale un peu « longue » (par exemple un 85 mm f/1.8 léger qui solutionnera la question des portraits) ; alors à la place d’un 35 mm, je pourrais éventuellement choisir un 28 mm comme objectif principal.
Le 28 mm est une focale injustement négligée que l’on pourrait considérer comme une sorte de 35 mm large. Étonnamment le Canon EF 28 mm f/2.8 IS (environ 480 €) est quasi introuvable neuf en boutique. Quelqu’un chez Canon m’a même confié qu’ils n’avaient eu aucune demande pour cet objectif à Paris depuis 5 ans. Ce 28 mm est un quasi inconnu bien qu’il soit pourtant récent : il fut présenté en 2012 en même temps que le EF 35 mm f/2 et le EF 24 mm f/2.8 IS. Ce dernier lui est souvent préféré car il cadre plus large. Toutefois, un 24 mm aussi bon soit-il, ne peut pas être considéré comme polyvalent. Alors qu’un 28 mm : presque…
Ce petit EF 28 mm f/2.8 stabilisé est minuscule : c’est l’un des objectifs EF les plus compacts : seulement 260 gr… Ajoutez 765 gr. pour un EOS 6D MkII et l’ensemble ne pèse que 1025 gr. Il me semble donc que le EF 28 mm f/2.8 IS a toute sa place dans l’équipement d’un voyageur.
Parfois le 35 mm n’est pas assez large et l’on manque de recule. Parfois c’est le 24 mm qui est trop large et manque de polyvalence : éternel débat… Dans ce cas et si vous disposez d’une résolution confortable de 24 ou 30 Mpixels, alors éventuellement un 28 mm sera presque préférable à un 35 mm. Car la résolution confortable vous autorisera une bonne marge de recadrage. Je n’ai pas hésité à acheter le mien d’occasion : ils sont généralement en très bon état car ils ont généralement très peu servi aux photographes qui les revendent. Et ceux qui aiment l’utiliser : ne le revendent pas !
Full Frame : le 40 mm l’autre alternative possible au 35 mm
Très proche du 35 mm signalons aussi une petite merveille originale : le minuscule Canon EF 40 mm f/2.8 pancake. Bon à savoir : il coute seulement 191 €. Une alternative incroyablement bon marché au 35 mm. Très piqué et ultra compact, c’est un très bon choix sauf si vous êtes obsédé par la question du « bokeh ». Mais si vous possédez par ailleurs un 85 mm f/1.8, alors vous possédez déjà un objectif à « bokeh ». Donc il n’est peut-être pas obligatoire d’en posséder deux ?
Pour « viser au 35 mm » avec un capteur APS-C : choisissez le 24 mm
Si vous utilisez un reflex APS-C alors votre « équivalent 35 mm » sera peut-être le minusculeEF-S 24 mm f/2.8 IS USM… Qui est sorti en 2012, en même temps que le EF 35 mm f/2.
Si vous êtes décidé à rester fidèle au format APS-C sur reflex : alors c’est lui… Le Canon EF-S 24 mm f/2.8 STM (159 €) correspond à un 38 mm en équivalent Full Frame… Donc, presque un 35 mm.
Exceptionnellement compact, il est très piqué et très agréable à utiliser, c’est une petite merveille parfaitement adaptée à la « street photographie » et je l’ai beaucoup utilisé sur mon petit EOS 100D. La seule petite chose à lui reprocher : ne pas ouvrir à f/1.8… Donc pas de « bokeh » très marqué, comme on peut en obtenir avec le EF 35 mm f/2 sur un Fuill Frame… Et oui : l’APS-C ne rivalise pas avec le Full Frame de ce point de vue.
Attention, ce petit objectif « pancake » (plat comme une crêpe), ne pourra jamais être monté sur un reflex Full Frame. Par contre il sera compatible avec la bague d’adaptation EF/RF des EOS R, ce qui impliquera forcément un « recadrage » sur le capteur : donc une perte de résolution.
Pour « viser au 35 mm » avec un hybride EOS-M : choisissez un 22 mm
Si vous utilisez un Canon EOS M5 ou EOS M50 à capteur APS-C, alors votre « équivalent 35 mm » sera ce très discretle EF-M 22 mm f/2 STM. Qui est lui aussi « pancake »… C’est véritablement l’objectif fixe bien lumineux, qui inexplicablement manque à la gamme des reflex EOS à capteurs APS-C. Il est incroyablement compact (seulement 105 gr), il est suffisamment lumineux pour générer un peu de bokeh… Et surtout : il est vraiment pas cher (seulement 222 €). Cette petite merveille justifie à elle seule l’existence chez Canon de la gamme des hybrides EOS-M. Je le considère être un « must » obligatoire si vous possédez un EOS M.
Ne négligez pas les zooms, par ailleurs…
Zooms polyvalents : il y a les objectifs dont on rêve, mais que l’on achète jamais…
Et ceux que l’on achète, même si ils ne font pas rêver. Le Canon EF 24-70 mm f/4 L IS (834 €) sur un reflex Full Frame, est évidement l’objectif à tout faire… Certes il n’ouvre pas à f/2.8. Mais ce n’est pas grave car il embrasse la gamme des focales les plus utiles. De toutes façons lorsque je veux travailler à grande ouverture, une ouverture de f/2.8, ne me suffit plus à faire la différence… Dans ces cas-là, je préfère un objectif fixe à f/1.4 ou f/1.8 plutôt que n’importe quel zoom. D’ailleurs, j’ai toujours dans mon sac un petit EF 50 mm f/1.8 (cet ultra léger ne coute que 120 €).
Le reste du temps lorsque je ne recherche pas spécifiquement d’effet « bokeh » : je préfère utiliser mon zoom en le « fermant un peu »… Autour de f/8 pour bénéficier de plus de sécurité du côté de la profondeur de champs… Un cas de plus ou je n’ai pas besoin d’un zoom ouvrant à f/2.8 : ce genre d’images représente presque la moitié de ma production… Par contre lorsque je ferme à f/8 ou davantage, alors j’apprécie que ce modèle soit stabilisé. Cela me semble plus intéressant que de disposer d’une grande ouverture… Ce zoom f/4 n’est pas trop coûteux, je n’ai donc pas peur de le rudoyer un peu… Alors que je serais plus « prudent » avec la couteuse version f/2.8.
En APS-C mon zoom fétiche existe. Si vous trouvez le EF-S 10-22 à bon prix, foncez !
J’ai utilisé plusieurs années ce zoom 10-22 mm Ultra Grand Angle. Notamment à une époque ou les zooms Grand Angles Full Frame, étaient rares et chers. Ne disposant pas à cette époque d’un 16-35 mm Full Frame / je me rabattais sur ce modèle APS-C à l’angle de champs équivalent.
Avez-vous besoin de cadrer aussi large que 16 mm (équivalent Full Frame) ? Ce n’est pas le cas de tous les photographes… Toutefois, si vous aimez l’action et le sport : alors probablement que oui. A une époque ou il n’existait pas de tels zooms, Robert Capa avait dit « Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près ».
Je considère qu’il me faut au moins l’équivalent d’un 20 mm (Full Frame) pour rentrer « dans l’action ». Cet équivalent 20 mm, implique un 12 mm en APS-C. Dans le feu de l’action : mieux vaut cadrer trop large et recadrer plus tard, que couper le sujet… Si vous possédez un EOS-M, notez qu’il existe aussi un excellent petit zoom EF-M 11-22 mm IS, à seulement 345 €.
Pour « viser » plus loin et complexifier vos points de vue…
Le zoom télé EF 70-200 mm – Le second zoom incontournable de professionnels.
Achetez un 70-200 mm f/4 et placez le sur votre vieil appareil full frame ou APS-C : il en sortira de bien meilleures photos, que si vous achetiez un appareil neuf, tout en continuant à utiliser un zoom médiocre et peu lumineux… Car ce qui compte le plus : ce sont les objectifs, pas les appareils photo, qui se démodent beaucoup plus vite…
En voyage, mais aussi en reportage, je n’ai jamais pu me passer d’un bon zoom 70-200 mm à ouverture constante. Alors certes : les versions f/2.8 sont exceptionnelles, mais également assez lourdes et plutôt couteuses. Je suis donc passé aux versions à ouverture constante de f/4, car on peut déjà faire énormément de choses avec un petit 70-200 mm f/4.
J’utilise généralement mon Canon EF 70-200 mm f/4 L IS (1179 €) monté sur mon Canon EOS 5DsR (Full Frame)… Ou même monté sur un minuscule et modeste Canon EOS 100D (à capteur APS-C accessible pour 469 €). Dans ce cas, à cause du coefficient mlultiplicateur de x1,6 propre aux capteurs APS-C : la plage focale de ce zoom sera équivalente à un 112-320 mm f/6.4. Ce qui promet un grossissement assez impressionnant. Préférez autant que possible la version stabilisé IS du EF 70-200 mm f/4 à l’ancienne version non stabilisée. Toutefois, mieux vaut un 70-200 mm f/4 non stabilisé, que pas de 70-200 mm du tout !
La stabilisation n’a rien d’obligatoire
Si vous êtes un peu attentifs : dans une immense majorité de situations vous pourrez vous passer de la stabilisation en appliquant la règle (autrefois) bien connue du « un sur la focale »…
Par exemple, si votre focale est de au 100 mm : alors ne descendez pas en dessous d’une vitesse de 1/100 sec. Quitte à monter un peu en sensibilité ISO… Ce qui pose de moins en moins de soucis aux appareils récents, dont la « montée en ISO » est très performante. A cela s’ajoute le fait que Lightroom et les logiciels de traitement RAW récent permettent de corriger plus facilement le bruit numérique, qui est généré par l’utilisation de sensibilité ISO élevée…
- A lire : Tableau des équivalences de focales, d’ouverture et de ISO.
- A lire : Appliquez le coefficient à la focale et… à l’ouverture.
- A lire : En finir avec les Fake News à propos des équivalences entre capteur
Le premier 85 stabilisé est le Tamron… il me semble, mais 1.8 et pas 1.4.
Merci pour ce post!
Postez vos commentaires plutôt sur la partie 2 svp.
Par ici :
https://photoetmac.com/2019/12/quelles-focales-choisir-pour-quelles-photos-partie-2/#comments
Question bête, l’objectif pancake sur un APS-C, n’a-il pas le même défaut présent sur certains compacts experts avec zooms, à savoir que l’effet ventouse aspire la poussière ? (Ricoh GR II-III, SONY-RX100, certains Panasonic, etc ).