Je tenais à vous présenter Chaque heure compte, la dernière tue (Broché – Éditions Erick Bonnier) 25€ : le livre du photojournaliste Patrick Robert (une douzaine de prix internationaux, dont deux Visa d’or au festival international de photojournalisme de Perpignan) qui a été publié il y a quelques semaines et dont j’ai commencé la lecture passionnante…
Le titre et la couverture annoncent la couleur : une photo prise lors de la guerre civile au Libera en Juillet 1990 : « un crâne humain est fixé sur la calandre d’une voiture comme un trophée ». Ce livre relate l’aventure d’une vie et parle aussi d’un métier qui est en train « de changer » et qui est peut-être en train de disparaitre, (du moins sous la forme que nous connaissions).
C’est passionnant, on « embarque » avec lui : « Ma trajectoire erratique, que je tentais de piloter comme je pouvais, a fini par percuter une balle de Kalachnikov au Liberia et j’ai dû lui concéder un rein et quelques décimètres d’intestin, pièces d’anatomie somme toute superflues. En échange, on m’a entièrement transfusé avec du sang africain et c’est grâce à lui que mon cœur a pu redémarrer. J’ai donc avec l’Afrique un composant intime ».
En début de chapitre vous trouverez un QR Code qui permet d’accéder à l’une des galeries de photos qui illustrent ces pages. Une façon intéressante de lire (et d’ailleurs ces galeries ont été conçues sur Photodeck dont je vous parle souvent)… Quelques lignes supplémentaires extraites du premier chapitre, qui vous donneront probablement envie de lire la suite :
« On m’a reproché de ne pas porter de gilet pare-balles. Je ne veux plus le porter, sauf exception, par exemple sous un feu d’artillerie. J’ai honte de paraître abrité alors que les populations autour de moi sont exposées. Je n’aime pas non plus le faux sentiment de sécurité que le pare-balles peut procurer. Ni le sentiment contraire d’un danger exagéré car si vous le portez, c’est peut-être que le danger est grand. Je veux rester dans l’inconfort permanent pour ne pas baisser la garde ni relâcher mon attention. Je préfère pouvoir courir si nécessaire, plutôt que de rester écrasé sous le poids de l’équipement.
Je n’ai jamais pris d’assurance non plus. Trop cher. Pour une zone de guerre, le coût journalier d’une assurance n’a pas de sens. Même à la meilleure période du photojournalisme, vous n’aviez aucune chance de rentabiliser un reportage si vous preniez une assurance ».
Lisez aussi ce bouquin, car il est d’actualité… Notre génération a grandi dans une paix et un confort absolument incroyable, protégés que nous sommes par un état prospère, dans un pays libre et une démocratie stable… Mais pour combien de temps encore ?
Car nous vivons désormais aussi dans un pays où l’on décapite un professeur d’histoire car il enseigne simplement notre histoire et nos valeurs… Un pays où l’état n’ose pas donner le nom de Samuel Paty à un Collège… Un pays où l’on massacre un adolescent au couteau dans un bal de village : parce qu’il est « blanc » simplement (quoiqu’en disent certains « présentateurs déconnectés » sur France télévision)… Un pays où 1040 actes antisémites ont été commis depuis le début du conflit Israël-Hamas. Celui qui ne se réveillerait pas à l’annoncé de ces faits authentiques : c’est que probablement sa raison, sa morale et son courage sont déjà morts…
De notre liberté, de notre force et de notre sécurité, l’immense majorité d’entre nous… ne faisons pas grand-chose. Rien n’oblige personne à partir photographier des pays en guerre, pour nous informer : c’est pourquoi les histoires relatées dans ce livre sont exemplaires. Et devraient être lues.
Notre sentiment de sécurité et notre confort expliquent que pas grand monde dans le France de 2023 ne peut réellement comprendre et ressentir l’immense cruauté et la violence indicible du monde « extérieur ». Dans lequel vivent pourtant des hommes au-delà des frontières de nos pays riches et stables. Mais depuis quelques années, les bruits de guerre se rapprochent et progressivement les moins sourds et les moins aveugles d’entre nous, commencent à deviner à quel point le danger se rapproche. A quel point l’histoire se répète et qu’elle est « tragique »… Ce « retour brutal au réel » devrait vous sauter au visage en lisant le livre de Patrick Robert.
Encore quelques lignes tirées des toutes premières pages : » Mes camarades ne m’ont pas vu tomber. J’appelle Noël – Noël Quidu de l’agence Gamma – en tendant le bras. Il me voit enfin mais il ne vient pas et je comprends pourquoi : je suis à découvert au milieu de la route et il a le droit de penser que c’est suicidaire de s’exposer à son tour. Il ne sait pas qu’il n’y a plus de danger immédiat et qu’il est autant exposé que moi là où il est. Enfin des combattants accourent, pliés en deux, jusqu’à moi (eux aussi pensent que j’ai été touché par les rebelles), m’attrapent par les bras et me traînent jusqu’au trottoir.
Je vois entre mes jambes mes deux boîtiers Canon qui s’éloignent. Mikael et Noël essayent de me mettre debout pour me porter, mais ils sont encombrés par leurs appareils photos qui me gênent. Et puis dès que je suis en position verticale, je sens que je perds conscience. Il ne faut surtout pas perdre conscience. Je veux pouvoir contrôler mon évacuation, avoir mon mot à dire, et je sais que lorsqu’on perd connaissance, les personnes autour peuvent se résigner et baisser les bras. »
Ta présentation donne envie, je viens de le commander…
Décidément, JF tu est aussi fort pour nous vendre des bouquins, que des objectifs (tu m’a déjà convaincu pour le RF 16 mm et quelques autres ;-)
N’hésite pas à revenir sur ce post pour partager ton avis après la lecture !
Bonnes photos à toi et bon dimanche ;-)
Voilà qui donne envie de lire ce témoignage d’une vie animée de la volonté de partage. De tels témoins nous rappellent qu’il y a un monde au-delà de notre nombril. Évidemment que pareil inventaire du malheur dont sont capables les humains, ne nous remonte pas le moral.
Mais je salue le courage de Patrick Robert et ta présentation à le rencontrer par la lecture de son livre.
Hello Guy ! Merci pour le partage, et au plaisir d’échanger après ta lecture ;-)
Merci pour ce lien… Toujours intéressant ce genre d’article : vous devriez en faire plus souvent
ça donne envie! et les photos sont belles, ça sent le kodachrome, en Afghanistan on dirait du steve mccurry :)
Ah oui : du kodachrome ;-) en effet ! ! !
Photographier la guerre? Comme si ça allait l’arrêter… Open bar pour Israël
Je préfère photographier des chats et des jolies filles.
Pourquoi photographier la guerre ? Parceque la guerre est un sujet qui se rapproche…
Mais encore? Ça change quoi, tout le monde regarde les horreurs dans les JT ou dans les médias allternatifs. Les images de violence tendent plutôt à la banaliser. Mon arrière grand père qui a eu la « chance » de survivre aux tranchées a toujours dit qu en allant à la guerre, alors qu’il n’y avait aucune image de morts dans les médias, était mort de trouille, et qu’aprèd avoir vu mourir 20 personnes par jours, n’en n’avait plus rien à faire. Plus on nous montrera de violences et de morts et moins nous en aurons peur, c’est ainsi…
Merci JF, un bon article pour rappeler – ou malheureusement ouvrir les yeux à ceux qui auraient gardé leur oeillères , ou ne veulent les enlever – que nos démocraties et donc par extension notre liberté, notre paix si chèrement acquise par nos aÿeux lors des 2 derniers conflits mondiaux est en grand danger.
L’invasion en Ukraine caractéristique de l’expansionnisme russe des 20 dernières années, partagé par une puissance encore bien plus grande et menaçante, la Chine, résolu à conquérir Taïwan et à étendre son influence auprès des BRICS et du reste des pays pauvres, présage un avenir très sombre pour notre « vieille » Europe qui tarde à ouvrir les yeux et n’arrive pas à unir ses forces.
Le conflit au moyen-orient divise encore un peu plus le bloc occidental, les autocrates s’en frottent les mains…
Je ne manquerai pas de lire l’ouvrage de Patrick Robert, un des derniers grands reporters photographe. J’ai un temps exercé de loin ce métier en ayant démarré ma carrière comme reporter photographe militaire au sein de l’ECPA, il y a 25 ans de cela. Déjà ce métier entamait son déclin; la guerre au Kosovo dont tous le monde à l’époque se fichait – pourtant en Europe ! – a achevé ma volonté d’exercer ce métier très dangereux mais pourtant essentiel : informer. A quoi bon sacrifier ma vie si mes concitoyens ne s’intéressent pas ET ne réagissent pas face à la réalité du monde violent en dehors de nos frontières confortables ?
J’ai renoncé. Ce faisant j’ai rejoint les rangs des passifs. Je nourrie depuis une certaine culpabilité que les rangs des ignorants ne peuvent pas comprendre. Mais le résultat est le même si du savoir ne née aucune action… Qu’il est difficile d’agir…
Bravo à tous ces grands reporters.
Merci pour ces mots… et n’hésite pas à partager le lien vers son livre !
Voilà, c’est commandé, impatient de le lire !
Il a quand même compris ,heureusement pour lui, qu’il valait mieux piloter un drone.
Belle allusion à la nouvelle de Karine Giebel (Toutes blessent, la dernière tue).
Bonjour Jean-François, bonjour à tous,
J’ai lu avec grand intérêt ton article sur le photoreporter Patrick Robert. Du coup je suis allée acheter son livre en librairie ce matin (je ne commande pas sur Amazon). Je vais le commencer cette semaine. J’ai un immense respect pour les photographes et journalistes qui vont dans les zones de guerre dans le but de nous informer sur ce qui s’y passe en prenant beaucoup de risques.
Ils nous révèlent ce que les politiques veulent nous cacher ou montrer au moyen d’images et de films de propagande. Certains mentent comme ils respirent. Malgré l’éloignement géographique, les images des conflits mondiaux actuels nous parviennent de manière quasi instantanée et la violence devient rapidement contagieuse.
Dans quel pays vivons-nous pour voir des enseignants assassinés et le déferlement d’actes antisémites depuis le début des hostilités en Israël ? La violence ne vient-elle pas aussi de la façon dont les gouvernements successifs traitent celles et ceux qui, entre autres, travaillent au service de la population : policiers, enseignants, personnel soignant, etc. ?
On peut donc s’attendre à ce que les gens réagissent parfois violemment. Cela dit, les flambées de violence qui agitent le monde périodiquement semblent inhérentes à l’espèce humaine.
Nombreux sont les journalistes qui ont péri dans des pays en guerre. Je pense aux plus connus, Robert Capa tué en Indochine, Gilles Caron disparu au Cambodge, Camille Lepage assassinée en Centrafrique, Sebastiao Salgado détruit psychologiquement par ce qu’il a vécu eu Rwanda, et tant d’autres journalistes morts sur le terrain (tous ne sont pas des têtes brûlées). Je ne connaissais Patrick Robert que de nom, je vais pouvoir le découvrir plus amplement en lisant son témoignage. Merci pour cette référence, Jean-François.
Comme tu le dis… On aurait tout de même pu espérer que le monde soit moins moche , grâce aux progrès scientifiques, la santé, etc… Mais 2024 s’annonce mal !
Quel dommage qu’il n’y ait pas plus de commentaires, de réactions de tes lecteurs ici, à propos de ton article sur Patrick Robert et de son contenu.
Ils sont pourtant nombreux dans ton article suivant… Tes lecteurs et les gens en général, sont plus enclins à donner leurs avis quand le sujet – s’il est politique – est situé un peu plus proche géographiquement de leur nombril …
Mêmes causes, mêmes effets ;-)
Un livre à lire : Arturo Pérez-Reverte « Territorio Comanche ». Ses chroniques sont aussi à lire, en particulier celles où il se moque du négligé vestimentaire des papyboomers.
Voilà le lien : https://amzn.to/4arfCoT
Il me plait déjà (à lire sa bio Wikipedia) : « Dans les articles qu’il publie chaque dimanche dans la revue XLSemanal, il critique durement la postmodernité, le politiquement correct, l’idéologie du genre, le néolibéralisme, le néoconservatisme, la pédagogie critique, l’Union Européenne, le langage inclusif. Utilisateur actif sur Twitter, il a déjà créé de nombreuses controverses. »
Merci pour cette présentation !
Les livres de photoreportages sont d’autant plus importants en ce moment, lorsque l’on voit le nombre de journalistes tués dans la bande de Gaza et l’absence de couverture du conflit.
Raconter les histoires de victimes, témoigner des vies et des morts c’est ce qui permet de ne jamais considérer l’Autre comme un étranger qui fait peur, mais comme un humain avant tout.
Et si les actes antisémites sont hautement condamnables, tout comme les horreurs du 7/10, ne tombons pas non plus dans la normalisation d’une islamophobie facile. Nous sommes tous des humains.