Chaque mois dans le mensuel Déclic Photo, je décrypte pour vous une de mes photos et vous livre l’histoire de de sa fabrication… Sans oublier d’évoquer le contexte, « la petite histoire de l’image ». De temps à autre je vous proposerais de ces images, parues dans un précédent numéro.
Ou, quand, comment, pourquoi
Les volcans d’Indonésie sont un grand classique sur la route des photographes en quête de sensations fortes. J’ai été amené à les visiter en 2008 pour y réaliser des images pour catalogue Terres d’aventures. Après le Mont Batur sur l’île de Bali (pour se mettre en jambe), l’impressionnant Rinjani à Lombock qui nous a demandé 4 jours de trek, c’est le Kawa Ijen sur l’île voisine de java qui nous a probablement offert le spectacle le plus impressionnant.
Avec ses fumeroles imprévisibles, son lac acide vert émeraude et les travailleurs du souffre qui en gravissaient les flancs, tels des Fourmies obstinées et dérisoires…
Le secret de fabrication
Ce que je trouve de fascinant sur les flancs de volcans, ce sont les nuages très épais qui s’échappent de façon imprévisible du cratère et dessinent des ambiances surnaturelles en filtrant la lumière solaire. L’épaisseur des fumeroles dessine des ombres intenses et génère des contrastes inconnus ailleurs dans la nature…
J’ai donc tenté de confronter dans un même cadrage les zones sombres et les zones éclairées : ne photographier que des panaches de fumée n’aurait rien donné d’intéressant… Un ultra grand angle s’imposait donc et le format RAW s’est avéré indispensable pour encaisser les très forts contrastes.
La planche contact
Les images obtenues après cinq heures passées au fond du cratère du Kawa Injen sont parmi les plus intéressantes que j’ai eu la chance de réaliser. Elles sont assez variées grâce à l’utilisation de deux objectifs antagonistes : un grand angle 16-35 mm et un 70-200 mm. Respectivement montés sur des capteurs full-frame et APS-C.
Pour des raisons de poids j’avais choisi de laisser mon 24-70 mm f/2.8 au refuge. Il ne m’a pas beaucoup manqué finalement, car en intervertissant le 16-35 mm sur le reflex à petit capteur j’obtenais un 25-56 mm assez polyvalent. Il ne subsistait donc qu’un trou minimal entre mes deux objectif : de 56 à 70 mm.
Les réglages de l’appareil
Pour ces images il me fallait une profondeur de champs confortable, de façon à sécuriser la netteté des personnages au premier plan, jusqu’à à l’infini. J’ai travaillé en priorité ouverture, à f/18, une valeur rarement employée et légèrement excessive (n’allez pas au delà, le risque de diffraction est important. Il faut généralement se méfier des réglages extrêmes).
Du coup la vitesse de 1/50em était à la limite de l’acceptable, d’autant que j’étais essoufflé donc pas très stable. Mais cette vitesse donne un léger flou de mouvement aux gens qui marchent, cela rend l’image assez dynamique, on sent qu’il y a de l’action… Pour mémoire, la profondeur de champs diminue lorsque l’on zoom (au télé) et augmente lorsque l’on diminue la focale (au grand angle). Avec f/18 au 24 mm, j’étais donc largement en sécurité de ce côté là… Et je pouvais oublier de surveiller les questions de mise au point, afin de me concentrer exclusivement sur le sujet et le cadrage.
La petite astuce
J’ai utilisé un filtre polarisant afin de renforcer les contrastes de la lumière du matin, ainsi (accessoirement) que pour protéger la lentille de mon objectif. La confrontation entre les travailleurs du souffre au premier plan et le paysage volcanique fait tout l’intérêt de cette série d’image et il n’a pas été très facile de me placer sur le chemin étroit pour obtenir un cadrage idéal.
Rien n’aurait donc été possible sans mon 16-35 mm f/2.8. Comme il était hors de question de changer trop souvent d’objectif au cœur de cette fournaise, j’avais aussi sur l’épaule gauche un second boîtier à petit capteur, équipé d’un 70-200 mm f/2.8.
Le développement
Une fois n’est pas coutume j’ai opté pour le Camera Profile « Landscape » dans Lightroom (onglet Etalonnage de l’appareil photo, en bas à droite du Module Développement). Les Camera profile sont une imitations des Picture Style (Canon) et Picture Contrôle (Nikon), que vous réglez habituellement dans votre reflex (qui ne sont pas reconnus par Lightroom).
Par défaut Lightroom et Adobe Camera Raw appliquent un profile « Adobe Standard », qui est polyvalent, assez doux, avec des tons moyens légèrement débouchés (façon D Lighting). Mais ici, je voulais des contrastes beaucoup plus forts avec des bleus et de verts plus saturés…
Le détail qui compte
Un photographe doit se lever tôt, pour profiter de la lumière la plus pure. Et c’est encore plus vrai sur les flancs d’un volcan, pour des raisons de sécurité. Attention à vos appareils en vous approchant des fumeroles, car l’acide, le souffre et le cocktail de composants chimiques, sont tout aussi toxiques pour votre matériel que pour vous-même.
Le vent qui tournait, rabattait parfois de façon aléatoire les fumées toxiques sur le chemin nous obligeant à respirer à travers des linges mouillés. On ne s’aventure pas sur les flancs d’un volcan sans un minimum de préparation et les conseils d’un guide sont précieux pour déjouer les colères du monstre…
Le matériel
Le boîtier : reflex de 21 Mpix à capteur CMOS Full frame.
L’objectif : zoom 16-35 mm f/2,8 (ouverture max constante à toutes focales).
Les accessoires : filtre polarisant circulaire.
Les données de prise de vue :
Mode : Priorité ouverture.
Ouverture : f/18 (mais ici f/11 aurait suffit largement).
Sensibilité : 100 ISO (de façon à conserver le meilleur qualité possible).
Vitesse : 1/50e de seconde (vitesse dangereusement lente dans ces conditions).
Focale pratique : 24 mm (reste en pratique 24 mm, grâce au capteur 24×36).
Merci, c’est passionnant.
passionnant ! Magnifique lumière, contrastes impressionnants.
On comprend mieux tes reflexions d’hier… Tout cela est assez cohérent ma foi ! C’est vrai que le reste peut sembler insignifiant après avoir été dans cet enfer.
Le polarisant est souvent snobé, voilà une preuve que ce ne devrait pas toujours être le cas … magnifique, bravo !
Le polarisant, c’est comme le sel et le poivre (et el bokeh ;-)
Faut pas en absuser, mais faut pas l’oublier non plus. Utilisé à bon escient c’est sublime. Article très instructif merci
ça manque de bokeh.
Le tee-shirt RidingZone. Collector. :=)
J’ai l’impression que le haut gauche de l’image est un peu mou. Si c’est le cas c’est dommage vu que c’est de la roche, on attend du piquet dans ces zones.
On attend du piquet ?
… ou du piqué ?
C’est à dire de l’antibokais ;-)
Oui « piqué » désolé.
Intéressant, intéressant.
Et sinon, tu les as payé combien ces gens pour qu’ils figurent dans ton reportage ?
Non, mais vraiment ce Vincent, c’est vraiment tout petit comme réflexion ça…
Es tu allé demandé à Salgado, Cartier Bresson ou Capa s’ils avaient les autorisations des soldats photographiés… qui se faisaient tuer sur les plages de Normandie ?
Et le droit à informer ? T’en fais quoi ?
Vincent, si tu commence à te poser le problème du droit à l’image, alors c’est sûr que le photo reportage n’a plus aucun sens…
Je pense qu’il ne faut absolument pas s’en préoccuper. Car sinon, tu ne fais plus rien.
Mouai, devoir d’informer bof bof, le Kawa Ijen est largement visité et fait parti de toutes les offres des tours locaux ou Francais. JFV ne s’en cache pas puisqu’il dit lui même y être allé pour Terre d’Av, pas grand chose à voir avec les plages de Normandie par temps « orageux ».
Ce que je trouve interressant c’est de voir ce que JFV a pu en tirer versus les milliers de photos ramenées par les touristes qui visitent Bali et « s’aventurent » sur la pointe de Java il suffit de faire une petite recherche sur le web pour voir que l »artiste » s’en sort plutôt très bien…manque peut être un peu de Bokeh pour rajouter un peu de sens à la photo :-)…
Pardon d’être aussi naïf, mais je ne fais que répercuter les réflexions d’un grand philosophe-photographe à propos d’une exposition photo non rémunérée qui avait provoquée son juste courroux.
Je me souviens avoir lu qu’il était scandaleux d’imaginer que, dans le processus photographique d’une expo, on rémunère les organisateurs, les manutentionnaires, les hôtesses d’accueil, les encadreurs et j’en passe, mais pas les photographes.
Ce que JF a gagné grâce à ce très beau reportage n’aurait pas été possible sans la contribution de ces malheureux, donc, selon la logique du philosophe suscité, je ne doute pas qu’ils aient touché leur juste rémunération.
Je crois même avoir lu que tout se paye dans ce monde et que ce qui est gratuit n’a aucune valeur. Aussi, je ne vois pas ce qui vous choque dans ma question.
Quel « poseur » ce Vincent… N’importe quoi pour faire son malin !
Habitué de ce blog, je commence à m’habituer aux postures de Vincent… Toujours provocateur pour pas un rond.
Même si la question du droit à l’image se pose bien évidement… Mais c’est un problème mineur ! Un détail de la problématique photographique… Déjà que les photographes gagnent pas on rond !
Je ne comprends pas vos sarcasmes.
Dans un précédent billet il était question de gens très méchants qui se faisaient de l’argent sur le boulot des autres et sans les rémunérer.
La plupart des lecteurs de ce blog n’avaient pas de mots assez durs contre cette espèce d’individus, profiteurs, assoiffeurs et naufrageurs.
Moi-même qui ai vainement tenté alors de faire entendre que tout ne pouvait faire l’objet d’une transaction monétaire dans ce bas monde, je crois alors m’être fait traiter de gros troll ce qui, si j’en crois mon dictionnaire de l’Internet, est une insulte particulièrement infamante.
Voilà que j’ai appris ma leçon, benoîtement, et que je pose une question qui me semble parfaitement en ligne avec ce qui s’est dit à ce moment-là, et voilà qu’à nouveau on me renvoie à mon mauvais esprit.
Avouez que c’est à n’y rien comprendre. Donc je pose naïvement la question : oui ou non le photographe se fait-il de l’argent en profitant du travail d’autrui ?
Il y a une petite différence entre un reporter qui essaye (difficilement) de vivre de son travail…
Et une institution comme un Festival, qui génère beaucoup de retombées touristiques pour la ville qui l’organise, avec le support financier de riches sponsors !
Vincent, tu es un gros Troll ! En effet…
Ah, ok, ok, donc en fait c’est une question de niveau de revenus si je comprends bien.
Un photographe qui gagne pas beaucoup peut exploiter gratuitement le travail des autres, tandis qu’un photographe célèbre et riche doit les rémunérer. C’est très clair à présent.
Donc je comprends que dans le cas qui nous occupe, le porteur de soufre a demandé à notre ami un petit quelque chose pour lui donner matière à un reportage, mais que JF lui a sorti sa déclaration d’impôts : « désolé mon gars, je n’ai déclaré que 25k€ l’an passé, je ne suis donc pas tenu de te verser quoi que ce soit« .
Je retiens ce principe donc, on n’exploite pas gratuitement le travail des autres sauf si on ne peut pas se le payer.
Je n’ai plus de question votre honneur.
bah, Vincent… Tu es l’admirable démonstration qu’il n’y a pas pire sourd, que celui qui ne veut rien entendre !
Et pas plus bête que celui qui fait semblant de ne pas comprendre…
pathétique chercheur d’embrouille !
Merci pour cette formule d’article, la qualité du contenu et le détail de tes explications. Je me fous de savoir si les ouvriers ont été payés, ou pas (et par qui?). PAr contre je suis intéressé par tes détails techniques (le zoom grand angle 16-35 me fait envie même si je suis passé aux focales fixes). Je vais essayer de jouer avec les camera profiles dans LR aussi, complètement passé à coté jusqu’ici.