Il y a longtemps que nous n’avions pas parlé de « droits d’auteur » mais ce soir c’est le moment : je ne sais pas pourquoi cette histoire m’a énervé… Andy Warhol était peut-être un génie créatif – disons un génie de la com et de la pub – mais il était aussi un « voleur d’images » et spécifiquement un voleur de photos, comme l’a confirmé la justice Américaine.
Comme pas mal d’artistes contemporains soit dit en passant, qui faute de créer des oeuvres originales intéressantes, savent en « voler », en « sampler », etc… Pour transformer le travail des autres en dollars. Depuis les années 80 le marché de l’Art contemporain est devenu une « énorme et scandaleuse histoire de fric »… Je ne m’en prends pas à l’Art en général ; mais je vise bien entendu ce « marché de l’Art contemporain international » et ces « artistes surcotés » qui sont d’abord d’authentiques business man, autour desquels gravite une industrie « lucrative »…
Dans pas mal de pays (dont le notre), le marché de l’Art contemporain se résume en un « efficace système d’évasion fiscale » (Impôts : les œuvres d’art, une niche fiscale XXL) et même d’après les spécialistes : en un authentique système International de « blanchiment d’argent sale » (Scandale des Pandora Papers : l’art n’échappe pas à la fraude fiscale internationale).
« Les spécialistes sont de plus en plus nombreux à penser que l’envolée spectaculaire des prix des oeuvres d’art est en partie alimentée par le recyclage d’argent sale. » Blanchiment : la part d’ombre du marché de l’art – Les Échos.
Voilà probablement ce qui a rendu l’Art contemporain aussi vain de nos jours : vaniteux, creux et inintéressant (d’un point de vue artistique)… Et voilà pourquoi l’on doit subir des productions aussi ridicules que celles de Jeff Koons qui encombrent l’espace publique, sans que personne ne les ai souhaité. Lisez d’ailleurs cette histoire pathétique du mariage de Jeff Koons et de la Ciciolina et constaterez à quel point ça ne vole pas haut… L’Art contemporain au 21 siècle, c’est décadent (mais non, ce mot n’est pas interdit : il dit ce qu’il veut dire), vulgaire, grandiloquent, pompier et surtout : extrêmement coûteux pour le contribuable…
Mais terminons-là cette parenthèse à propos de cette « malédiction artistique » et passons à la nouvelle du jour… Qui concerne la photographe Lynn Goldsmith victime de l’avidité de la fondation Warhol. Elle en est réduite aujourd’hui à collecter des fonds pour couvrir les frais de justice monstrueux, liés à sa victoire judiciaire dans l’affaire de ses droits d’auteur qui avait effectivement étés violés par Andy Warhol : le soit-disant « artiste » ayant volé sans autorisation le portrait de Prince, qu’elle avait réalisé.
TAKE PART IN LEGAL COSTS TO PROTECT ARTIST’S RIGHT
Cette victoire obtenue après sept années de combat : l’a ruiné, Lynn Goldsmith a été contrainte de vendre sa maison.. La photographe a pourtant remporté son procès devant la Cour suprême des États-Unis face à la Fondation Andy Warhol (qui représente les intérêt de l’artiste décédé décédé en 1987 et qui est l’organisation artistique la plus riche au monde). David contre Goliath.
Mais les frais de justice se sont élevés à plus de 2,5 millions de dollars… Le pire est en fait que c’est la succession de Warhol qui avait attaqué Goldsmith car elle estimait que Warhol avait violé son droit d’auteur. En quelque sorte une « frappe préventive » contre la photographe, qui explique :
« En plus, ce n’est pas moi qui les ai poursuivis, c’est eux qui m’ont poursuivie. Non seulement je voulais résister à l’intimidation – les personnes riches ainsi que les entreprises ou fondations peuvent armer le système juridique pour obtenir des droits – mais tous les photographes en avaient assez des gens qui pensaient pouvoir simplement prendre des choses sans permission ».
La photographe a donc été contrainte de lancer une « cagnotte » sur GoFundMe en espérant récupérer une partie des frais juridiques engagés pour se protéger. Elle n’a actuellement récolté qu’environ 70.000 USD, sur son objectif de 750.000 USD : très loin du compte… Goldsmith l’explique :
« Il y a plus de 150 000 photographes aux États-Unis. Je ne sais pas combien il y a d’artistes visuels dans d’autres domaines, mais si chacun donnait 10 dollars, nous aurions l’argent nécessaire pour les frais juridiques dans cette bataille.
La Fondation Warhol est l’organisation artistique la plus riche au monde. J’ai été une personne luttant contre eux avec l’aide de personnes ayant donné sur ma [GoFundMe]. J’ai contracté un prêt pour payer environ les 400 000 dollars que j’ai déjà dépensés pour cette bataille au cours des deux dernières années.
J’ai besoin de votre aide pour continuer cette bataille juridique, non seulement avec de l’argent, mais en utilisant votre temps, votre voix, pour parler à votre communauté, à vos écoles, à vos amis artistes, pour que si nous voulons que la loi sur le droit d’auteur fasse ce que je crois que le Congrès voulait quand il a rédigé la loi… protéger les artistes. (…)
Il est temps pour nous de nous UNIR, de montrer que nous protégerons nos droits et ne serons pas intimidés par le coût financier pour être dans ce combat.
Voilà qui me semble important… Si des photographes perdent aux USA contre les voleurs d’image (qu’ils s’agisse de grand artistes ou de grandes sociétés) : alors ils perdront partout dans le monde… Vous pouvez vous aussi, contribuer à défendre les doits d’auteurs en venant en aide à la photographe Lynn Goldsmith : TAKE PART IN LEGAL COSTS TO PROTECT ARTIST’S RIGHT. J’ai moi-même modestement contribué…
L’AI est aussi un problème majeur en matière de violation de droit d’auteur.
Et pourtant, la justice américaine vient encore de statuer en faveur des plateforme génératrice et de leur utilisateurs. Et ceci -récement – alors que le photographe avait déposé ces droits sur les photos utilisées.
Ne revons pas, c’est arrivé en Angleterre, Allemagne, et France récemment.
En cause? Principalement le Fair Use americain. Puis la paresse étatique/législative.
Au dela du simple fait de l’AI. Plus généralement, donc.
Je pense que le dépot/traçage du copyright directement depuis le fichier dans la suite adobe – co-organisé au sein du C2PA – mettra du temps avant que les créateurs, quels, qu’ils soient, puissent faire valoir leur droits et travailler de manière efficace. Pourtant c’est une bonne base qui aurait du voir le jour il y a 15 ans (disons avec l’avènement des réseaux sociaux).
Et adhérer à une société d’auteurs comme la Saif. L’adhésion n’est que de 15€24 une seule fois à vie et largement remboursée dès la première année avec les droits d’auteur collectif avant même la réversion d’autres droits. C’est aussi une logique de combats pour les accords comme avec Google…et de plus les services juridiques.
Malheureusement la SAIF ne fonctionne que sur territoire français, et a un grand besoin que la loi elle-même soit à jour sur en matière de copyright.
La Saif travaille avec d’autres sociétés d’auteur à l’étranger et a enclenché avec la Scam notamment, différents travaux dont l’IA.
PETITE NOTE:
Dans quelques mois vous pourrez introduire un code disruptif dans vos images, destinés à brouiller les AI.
Outils que j’utilise déjà en version Beta. GLAZE.
Pour garantir le respect de la vie privée de gens que je photographie, entre autre.
Un lien?
https://petapixel.com/2023/10/24/nightshade-data-poisoning-tool-helps-creatives-protect-art-from-ai/
Très intéressant.
merci
Article passionnant, merci JF !
Je viens d’aller faire un tour à Paris photo et je me disais que ça fait beaucoup de bien de ne pas parler matos et de ne regarder que des photos. J’y ai vu pas mal de choses interressantes, j’ai eu le plaisir d’y croiser Harry Gruyaert dont j’adore le travail.
Je me réinterresse aussi à l’art contemporain depuis quelques temps, un sujet qui m’a passionné pendant mes études d’art mais que j’avais mis un peu de côté. Je constate aussi ce que tu relèves c’est à dire une sorte de starisation de certains entrepreneurs plus qu’artistes et bien sûr des sommes colos-sales d’argent ;) !
Nous sortons d’une éducation où l’art moderne qui s’était libéré de l’académisme mettait très fortement en avant la personnalité, les sens artistique, l’émotion, l’individu. Que l’on parle d’un Cézanne, d’un Van Gogh, d’un Picasso, d’un Juan Gris, d’un Giacometti qu’ils soient riches ou pauvres on n’était ni dans un système d’atelier ou de production de masse (Picasso qui a été prolifique ne faisait pas peindre ses toiles). Mon sentiment aujourd’hui c’est que le marché a repris le contrôle de tout cela et que nous sommes retombés dans un académisme extrêmement fort. C’est pas très étonnant car les cotations demandent régularité, production, normes, indices… Ce n’est cependant pas non plus quelque chose de nouveau, la chapelle Sixtine n’a pas été peinte par un homme seul au coup de pinceau unique, c’était également à l’époque des royautés installées et de la papauté de grosses productions d’atelier, des réseaux d’influence et beaucoup de choses qu’on ne nous explique pas assez à l’école.
Du coup Paris photo m’a fait respirer à côté de ce marché de l’art contemporain car même si les tirages y sont assez chers (on est souvent entre 1000 et 50 000 euros pour des tirages qui ne sont pas uniques) on n’est pas dans les sommets de l’art contemporain et on y regarde encore des oeuvres (même si on y ressent aussi un peu de snobismes etc… dans certaines galeries).
Ces grands procès américains sont assez incroyables et malheureusement j’ai l’impression que nous leur emboitons le pas. ce qui m’interpelle c’est que dans celui que tu relates la photographe gagne son procès (qui lui coute plus que ce qu’elle ne gagne) mais dans un autre cas de figure, celui de Richard Prince, c’est l’inverse, il pille des images sur instagram, y ajoute son commentaire, agrandissement géant et hop on vend cela 90 000 euros pièces sans même demander ni prévenir les gens dont on a pris les photos et il obtient gain de cause au prétexte que son travail a une dimension critique et que du fait qu’il a mis son commentaire il a créé quelque chose. Impression d’une dérive de la justice qui fait gagner ceux qui sont du côté des puissants et d’un système qui fini par sérieusement ébranler la confiance dans les institutions.
Je ne serai pas aussi critique que toi envers les artistes contemporain « stars », j’aime bien certaines choses de Koons, Murakami, Veilhan, j’aime moins les productions de Hirst. Pour avoir pris le temps de voir pas mal d’oeuvre de près je pense qu’il y a un très gros niveau technique, si ils ne font pas eux même il y a tout de même un gros savoir faire derrière. La critique que j’en ferai ce serait plutôt celle de l’arbre qui cache la forêt car on parle beaucoup trop d’eux tandis que pas mal de talents ont énormément de mal à se vendre et d’autant plus de mal qu’ils ne sont pas dans l’académisme qui consiste à batir un discours plutôt qu’une oeuvre.
Peut-être aussi que la création contemporaine se déplace et que les galeristes ne le voient pas : l’histoire retiendra peut-être plus certains photographes de Paris Match, des cinéastes, des maitres du studio d’animation, des metteurs en scène de plateau télé qu’on découvrira, des photographes de rue plutôt que tous ces artistes surcôtés qu’on oubliera… ?
Une des raisons est probablement liée à ce que tu écris sur l’argent sale, beaucoup de vrais créateurs ne sont pas dans des systèmes qui permettent le blanchiment. C’est plus facile de faire tourner l’argent avec des systèmes internationaux avec de la spéculation basés sur des ateliers où beaucoup de monde travaille.
En attendant sur le respect des auteurs je viens de participer au Canon Redline challenge où j’ai été selectionné parmi les 12 finalistes (la photo avec le paramoteur) et bien ils n’ont mentionné que le nom du gagnant, pour les 12 finalistes ils écrivent bravo à eux et ne mettent aucun nom. J’en ai fait part à la personne qui nous a contacter en lui disant que ce serait bien de mettre les noms des auteurs des photos publiées. Pas de réponse… Ca reste une bonne expérience et en participant à un concours on sait ce que ça vaut c’est à dire pas grand chose mais on pourrait penser que des gens comme Canon soient un peu plus scrupuleux sur ce genre de sujet
Oui : « nous sommes retombés dans un académisme extrêmement fort » c’est exactement ça…
Et sans le moindre talent, en plus d’être terriblement dogmatique…
Super interessant : totalement d’accord !
Un grand merci pour cet article. Quand les socialistes ont institué l’ISF (impôt sur la fortune), ils ont exclu les oeuvres d’art de cet impôt. Ce qui, in petto, a été institué « amendement Fabius » . Devinez pourquoi ?
Tu pourrais aussi parler des colonnes de Buren. La droite avait promis de les raser, mais ils n’ont jamais osé le faire.
Le problème est que la droite est désespérante :
ainsi ils protestent vigoureusement lorsque la gauche « détruit patiemment » toutes les bases, les structures et ce qui constitue la colonne vertébral de notre pays (par exemple l’éducation nationale, ce qui est le plus grave)…
Mais une fois au pouvoir : aucun homme politique de droite n’a le courage de réparer les dégâts. Ou simplement de faire publiquement un état des lieux…
Désespérant !
JF,
Plus aucun acteur de la politique n’a de colonne vertébrale et la plupart sont des ignorants. Ils disent à ceux qui votent, ce qu’ils ont envie d’entendre, donc c’est très loin de la notion de responsabilité, de devoir, etc, etc
Quand à l’exclusion des œuvres d’art de l’ISF, c’est un tél conflit d’intérêt que ça n’appelle qu’un commentaire: plus c’est gros, plus ça passe
et a la fin ce sont les avocats qui gagnent et s’en mettent plein les poches…
A moindre échelle , que dire des plateformes de diffusion privé , comme patreon, MYM, Myonlifan, ou bon nombre de jeunes filles utilisent sans accord des photographes , les clichés réalisé en collaboration.
C’est tout une culture de la marchandisation du corps et du vol des œuvres ( même modeste des amateurs ) , qui s’encre dans les mentalités. Tu as beau faire preuve de pédagogie et faire signer des contrats rappellent les droits et devoirs des modelés et des photographes. Rien à faire . personne ne respecte rien, ni l’art, ni le travail, ni l’investissent matériel ou le temps passé à préparer un projet.
Alors les droits d’auteurs , la plus part n’y comprennent rien , mélangeant allégrement droit à l’image , droit d’auteur, droit de diffusion. Affligent, de médiocrité cette génération . Certains me conseillerons de passer en pro avec un SIRET, et bien non c’est l’inverse , je veux que la photo reste une pratique artistique personnelle, déconnecté de toute forme de commerce de transactions de monétisation, je ne veux pas me transformer en artisan , obligé de produire des contenus pour payer les factures et autre cotisations URSAF, je ne souhaite pas alimenter un marché de l’art , mafieux et replis de parasites au service des plus riches et de leur déclaration fiscales. O.
Pas plus que chasser la subvention public en répondant aux projets merdiques des différents ministères de la culture . Je veux juste pratiquer la photo, avec sérénité et indépendance et consacrer mon énergie à la seul création de projets » artistiques « .